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Off topic: Comment travailliez-vous avant Internet?
Thread poster: Aline Canino
Aline Canino
Aline Canino  Identity Verified
France
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Oct 20, 2010

Bonsoir à tous,

C'est une question qui me trotte dans la tête depuis un moment déjà.
Aujourd'hui, nous bénéficions de ressources énormes, tant au niveau des langues (dictionnaires en ligne, etc.) que dans la façon dont nous pouvons nous constituer une clientèle (clients directs, agences), nous pouvons partager expériences, conseils, etc. via les réseaux sociaux, les sites comme Proz..., sans que nous (enfin je parle pour moi, qui ai commencé après l'arrivée d'I
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Bonsoir à tous,

C'est une question qui me trotte dans la tête depuis un moment déjà.
Aujourd'hui, nous bénéficions de ressources énormes, tant au niveau des langues (dictionnaires en ligne, etc.) que dans la façon dont nous pouvons nous constituer une clientèle (clients directs, agences), nous pouvons partager expériences, conseils, etc. via les réseaux sociaux, les sites comme Proz..., sans que nous (enfin je parle pour moi, qui ai commencé après l'arrivée d'Internet) ne nous en rendions compte.

Aussi, je me demande comment faisait-on "avant", pour promouvoir ses services, contacter des clients et être contacté (annuaires seuls?), travailler quoi. Bref à quoi ressemblait la journée type du traducteur.

Voilà, je suis sincèrement curieuse de lire vos réponses, anecdotes et plus encore.
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Evans (X)
Evans (X)
Local time: 13:19
Spanish to English
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Mon expérience Oct 21, 2010

En 1983, après avoir essayé pendant deux ans de trouver des clients auprès des industries dans ma ville, j’ai décidé de monter ma propre agence. J’ai cherché d’autres traducteurs par voie d’annonce et nous avons formé une agence « coopérative ». J’y travaillais pendant 13 ans. Dans le bureau au début, nous n’avions qu’une machine à écrire, une téléphone et un télécopieur primitif… La plupart des textes pour traduction arrivaient par la poste ! Quand je n’étais... See more
En 1983, après avoir essayé pendant deux ans de trouver des clients auprès des industries dans ma ville, j’ai décidé de monter ma propre agence. J’ai cherché d’autres traducteurs par voie d’annonce et nous avons formé une agence « coopérative ». J’y travaillais pendant 13 ans. Dans le bureau au début, nous n’avions qu’une machine à écrire, une téléphone et un télécopieur primitif… La plupart des textes pour traduction arrivaient par la poste ! Quand je n’étais pas dans le bureau je passais des heures dans la bibliothèque, faisant des recherches. La ville était industrielle et la plupart des traductions étaient pour l’industrie sidérurgique, l'ingénieirie, etc.

En 1995, les choses commençaient à changer et j’ai pu devenir « freelance » et j’ai quitté la ville pour aller vivre dans la campagne et travailler à distance. L’Internet commençait à nous donner de nouvelles possibilités !

L’agence que j’ai fondé continue à prospérer, et elle a une très bonne réputation entre les traducteurs pour ses pratiques « translator-friendly ». Elle est maintenant loin de sa humble naissance et ses équipements sont ultramodernes.

Et mon mode de travail a changé complètement.


[Edited at 2010-10-21 10:17 GMT]

[Edited at 2010-10-21 11:44 GMT]

[Edited at 2010-10-21 11:44 GMT]
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Platary (X)
Platary (X)
Local time: 14:19
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Au commencement... Oct 21, 2010

Il y a eu pour moi (j'ai démarré en 1968) un peu de hasard et le bouche à oreille. Un téléphone (fixe évidemment) et une machine à écrire (mécanique évidemment), du papier carbone et aussi des stylos (à plume bien entendu, mais aussi à bille pour le carbone).

Les commandes se faisaient sur papier par les PTT (les Fax ne sont arrivés que plus tard) et ce que l'on fait aujourd'hui en trois jours (exemple) se faisait en minimum 10 jours (aller-retour postaux pour finaliser
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Il y a eu pour moi (j'ai démarré en 1968) un peu de hasard et le bouche à oreille. Un téléphone (fixe évidemment) et une machine à écrire (mécanique évidemment), du papier carbone et aussi des stylos (à plume bien entendu, mais aussi à bille pour le carbone).

Les commandes se faisaient sur papier par les PTT (les Fax ne sont arrivés que plus tard) et ce que l'on fait aujourd'hui en trois jours (exemple) se faisait en minimum 10 jours (aller-retour postaux pour finaliser) quand le préposé de la tournée postale n'était pas au blocage du centre de tri pour cause d'humeur sociale.

Les plis (et donc aussi ceux qui contenaient le chèque dûment mérité) se perdaient parfois et cela pouvait devenir critique (cela n'a guère changé quand le donneur d'ordre ne paye pas de nos jours ou dans des délais effrayants).

Mais donc, tout le monde travaillait avec les moyens du moment et tout était parfaitement "normal". Je constate même que les choses se passaient beaucoup mieux que maintenant. Lorsque l'on a le temps du temps, on ne s'excite pas au bout de 5 minutes de retard (dans la livraison ou le paiement).

Au niveau des ressources c'était beaucoup plus compliqué : des tas de bouquins et de dicos papier où l'on perdait un temps fou pour pas forcément grand chose. Fallait parfois se déplacer dans des bibliothèques, où l'on ne trouvait pas nécessairement ce que l'on cherchait (ce qui est encore le cas avec les moteurs de recherche).

Mais donc, on ne traduisait réellement que ce que l'on maîtrisait à la fois linguistiquement et techniquement, vues les difficultés à se procurer la doc adéquate, ce qui n'est plus du tout le cas maintenant pour certains.

Avec les outils d'aujourd'hui beaucoup s'imaginent pouvoir "tout" traduire fingers in the nose. Illusion et parfaite erreur.

Et puis tout s'est accéléré, machine à écrire électrique, électronique, fax, modems, accès Internet, courrier électronique, téléphone mobile et zou, nous voilà en 2010 sans s'en rendre compte.

Il me semble que c'est Michel Serres qui a estimé que l'être humain n'eétait pas adapté à des changements aussi rapides.

Je pense qu'il a raison et ma certitude est qu'avec un burin et un marteau l'ouvrage était bien meilleur.

Loin de moi cependant l'idée de dire que "cétait le bon vieux temps" : c'était rude et c'est bien mieux maintenant si on sait se servir de ce dont nous disposons. Mais donc, ce n'est pas vrai pour tous.

Bonne journée et continuation !
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Mohamed Mehenoun
Mohamed Mehenoun  Identity Verified
Canada
Local time: 13:19
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Je n'ai jamais connu ça ! Oct 21, 2010

Moi personnellement, je n'ai jamais travaillé sans PC ! Mais je trouve le sujet très intéressant !

 
Samuel Jiménez
Samuel Jiménez  Identity Verified
Spain
Local time: 14:19
Member (2010)
English to Spanish
+ ...
:) Oct 21, 2010

Moi aussi je trouve ces histoires très intéressantes!

 
Michel Forster
Michel Forster  Identity Verified
France
Local time: 14:19
German to French
papier crayon gomme et TIP-EX ! Oct 21, 2010

J'ai commencé le métier dans les années 70 : pas dInternet ni de traitement de texte, TAO késako, tout à la main, comme les Romains et à la machine à écrire !
Habitant à Paris, c'était surtout sur place dans les entreprises comme salarié par intérim : 3 x le SMIC en tant que débutant, ça fait rêver...
Quand je suis arrivé à Toulouse on m'a dit « pas Toulousaing, retourne d'où tu vieng ». J'ai donc dû changer de métier.
À l'époque, c'était pour la
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J'ai commencé le métier dans les années 70 : pas dInternet ni de traitement de texte, TAO késako, tout à la main, comme les Romains et à la machine à écrire !
Habitant à Paris, c'était surtout sur place dans les entreprises comme salarié par intérim : 3 x le SMIC en tant que débutant, ça fait rêver...
Quand je suis arrivé à Toulouse on m'a dit « pas Toulousaing, retourne d'où tu vieng ». J'ai donc dû changer de métier.
À l'époque, c'était pour la veille, on avait le temps de se retourner. Aujourd'hui, c'était pour il y a 5 minutes, formaté, sans une faute et pour des clopinettes. Heureusement, on n'est pas tenu de sourire à son ordi en livrant les traductions.
Ceci dit, c'est quand même agréable de travailler chez soi, d'avoir des tas d'opportunités et de ne pas avoir à chercher pendant des heures (sans toujours trouver, exact, Adrien) dans les dictionnaires, les plans et les nomenclatures etc.
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claude
claude
Thailand
Local time: 14:19
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Débuts laborieux Oct 21, 2010

Quand j'ai commencé on avait : des fax, des disquettes, des répondeurs et des coursiers.

Donc, quand je n'avais pas de travail, je me promenais et interrogeais mon répondeur à distance (que c'était moderne !) régulièrement.

Pour renvoyer (et parfois recevoir le travail), préparer une disquette, et contacter le client qui envoie un coursier, puis attendre une heure. Sinon, prendre son véhicule et se déplacer pour déposer l'objet au milieu de la nuit.
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Quand j'ai commencé on avait : des fax, des disquettes, des répondeurs et des coursiers.

Donc, quand je n'avais pas de travail, je me promenais et interrogeais mon répondeur à distance (que c'était moderne !) régulièrement.

Pour renvoyer (et parfois recevoir le travail), préparer une disquette, et contacter le client qui envoie un coursier, puis attendre une heure. Sinon, prendre son véhicule et se déplacer pour déposer l'objet au milieu de la nuit.

Le début des modem était assez pittoresque puisqu'il fallait contacter le client pour lui demander ses paramètres modem ("bit de parité", "débit") avant d'envoyer.

A ce stade, les premiers ordinateurs portables sont apparus, ce qui a permis d'envisager une certaine forme de nomadisme, mais avec parfois 10 kilos de dictionnaires. La consultation des dictionnaires papier représentait pour moi la tâche la plus fastidieuse, mais c'était ça ou se lever le matin pour aller prendre le métro donc ça n'a jamais été pesant.

Puis les téléphones portables sont apparus. A ce stade, j'ai pu commencer à travailler très très loin, mais encore avec les dictionnaires et le papier. Et il fallait prévenir le client. Toute une époque !
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Aline Canino
Aline Canino  Identity Verified
France
Local time: 14:19
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Un temps où l'on prenait le temps... Oct 21, 2010

Bonsoir et merci Gilla, Adrien et Michel pour vos contributions. Je suis persuadée que c'est quand même une chance d'avoir pu connaître et vivre cette évolution.

Adrien Casseyre wrote:

Les commandes se faisaient sur papier par les PTT (les Fax ne sont arrivés que plus tard) et ce que l'on fait aujourd'hui en trois jours (exemple) se faisait en minimum 10 jours (aller-retour postaux pour finaliser) quand le préposé de la tournée postale n'était pas au blocage du centre de tri pour cause d'humeur sociale.

Les plis (et donc aussi ceux qui contenaient le chèque dûment mérité) se perdaient parfois et cela pouvait devenir critique (cela n'a guère changé quand le donneur d'ordre ne paye pas de nos jours ou dans des délais effrayants).

Mais donc, tout le monde travaillait avec les moyens du moment et tout était parfaitement "normal". Je constate même que les choses se passaient beaucoup mieux que maintenant. Lorsque l'on a le temps du temps, on ne s'excite pas au bout de 5 minutes de retard (dans la livraison ou le paiement).


Terrible effectivement ce rapport au temps, à la lumière de ce que l'on vit aujourd'hui. Mais, dans ces conditions, où tout prenait plus de temps et où, par conséquent, le volume des traductions qu'un traducteur pouvait prendre en charge était moindre, était-il possible de vivre correctement en tant que traducteur indépendant? (puisqu'en tant que salarié ça semblait plutôt intéressant)


Adrien Casseyre wrote:
Mais donc, on ne traduisait réellement que ce que l'on maîtrisait à la fois linguistiquement et techniquement, vues les difficultés à se procurer la doc adéquate, ce qui n'est plus du tout le cas maintenant pour certains.

Avec les outils d'aujourd'hui beaucoup s'imaginent pouvoir "tout" traduire fingers in the nose. Illusion et parfaite erreur.


Hum, je sens percer une pointe d'ironie dans ces propos. Bon, je n'ai sans doute pas encore le recul nécessaire mais il me semble que cette impression qu'ont certains de pouvoir tout traduire grâce à la multitude de ressources à portée de main ne dure qu'un temps et ne fait illusion qu'un temps, non?


 
Geraldine Oudin
Geraldine Oudin  Identity Verified
United Kingdom
Japanese to French
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Sujet très intéressant Oct 22, 2010

Merci Aline d'avoir lancé ce sujet, que je trouve très intéressant.
Je me souviens bien du passage du minitel à Internet, mais quand j'ai commencé à travailler le premier était déjà tombé aux oubliettes...il n'aura pas fait long feu.

C'est vrai qu'il a dû être intéressant de vivre la transition du papier à l'ordinateur, mais je suis certaine que nous allons nous aussi vivre d'importantes transitions au cours de notre carrière.

Dans quelques temps,
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Merci Aline d'avoir lancé ce sujet, que je trouve très intéressant.
Je me souviens bien du passage du minitel à Internet, mais quand j'ai commencé à travailler le premier était déjà tombé aux oubliettes...il n'aura pas fait long feu.

C'est vrai qu'il a dû être intéressant de vivre la transition du papier à l'ordinateur, mais je suis certaine que nous allons nous aussi vivre d'importantes transitions au cours de notre carrière.

Dans quelques temps, nous communiquerons peut-être par télépathie avec nos ordinateurs, à moins que les circonstances ne nous forcent à revenir à des moyens plus primitifs. Qui sait ce que l'avenir nous réserve...

Peut-être que je traduis trop de science-fiction ces derniers temps.
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Aline Canino
Aline Canino  Identity Verified
France
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Chinese to French
+ ...
TOPIC STARTER
Minitel, disquette... on les avait presque oubliés Oct 22, 2010

Mais oui, ces bons vieux outils. Quand j'ai commencé à traduire, tout le confort moderne (!) était là, en revanche, je me souviens des disquettes (vites pleines) et du bruit du minitel quand j'étais étudiante.
Quant à savoir si nous connaîtrons une évolution d'une ampleur similaire dans le futur, qui sait? La barre a été placée haut et comme l'a souligné Adrien en citant Michel Serre, arriverons-nous à suivre?


 
Platary (X)
Platary (X)
Local time: 14:19
German to French
+ ...
Conitions de vie Oct 22, 2010

Aline Canino wrote:

Mais, dans ces conditions, où tout prenait plus de temps et où, par conséquent, le volume des traductions qu'un traducteur pouvait prendre en charge était moindre, était-il possible de vivre correctement en tant que traducteur indépendant? (puisqu'en tant que salarié ça semblait plutôt intéressant)



Je n'ai pas le souvenir d'avoir eu de vrais problèmes sur ce plan. J'ai peut-être eu de la chance, mais le travail ne manquait pas et les rémunérations suffisantes. La vie était certainement moins chère, les besoins plus modestes et les sollicitations moindres ? Être salarié était naturellement plus confortable et je le suis devenu quelques années après, mais pas en agence, dans une administration universitaire.



Hum, je sens percer une pointe d'ironie dans ces propos. Bon, je n'ai sans doute pas encore le recul nécessaire mais il me semble que cette impression qu'ont certains de pouvoir tout traduire grâce à la multitude de ressources à portée de main ne dure qu'un temps et ne fait illusion qu'un temps, non?



Possible que ce soit de l'ironie, mais pour moi, c'est plus une certitude, une évidence. Quand on se promène un peu sur différents forums force est de constater que nombreux sont ceux qui se mettent dans de vraies galères et ce, sur deux problématiques : domaine mal ou pas du tout maîtrisé ("si j'avais su...") pour une part et mauvaise connaissance des outils informatiques ("mais comment cela marche, pourquoi cela ne marche pas" ?) aboutissant à l'acceptation de projets impossibles à réaliser pour eux d'autre part.

Je pense qu'après avoir pris deux trois vestes, certains font sans doute un peu plus attention en effet ?

Bonne journée,

A.C.


 
Julien Malagnoux
Julien Malagnoux
Local time: 14:19
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Sortir de ses 4 murs Oct 22, 2010

Je m'étais toujours posé cette question...

Je note tout de même que "dans le temps", beaucoup devaient sortir pour se déplacer à la bibliothèque: un minimum de contact social pouvait ainsi en découler.

Aujourd'hui, la personne qui travaille exclusivement avec des agences n'a en fait absolument pas besoin de sortir de chez elle: un PC, une connexion et un scanner suffisent pour tout (bien) faire de chez soi.

Professionnellement, on n'a absolument pas
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Je m'étais toujours posé cette question...

Je note tout de même que "dans le temps", beaucoup devaient sortir pour se déplacer à la bibliothèque: un minimum de contact social pouvait ainsi en découler.

Aujourd'hui, la personne qui travaille exclusivement avec des agences n'a en fait absolument pas besoin de sortir de chez elle: un PC, une connexion et un scanner suffisent pour tout (bien) faire de chez soi.

Professionnellement, on n'a absolument pas besoin de mettre le nez dehors et d'aller au contact des gens.

Et ça, ça peut être effrayant et entrainer des dérives.

Méfions-nous, l'isolement nous guette...
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Aline Canino
Aline Canino  Identity Verified
France
Local time: 14:19
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Travailler chez soi... Oct 22, 2010

... n'est pas forcément synonyme d'isolement social. A l'exception de quelques périodes vraiment surchargées où il m'arrive de très peu sortir, je ne me sens pas isolée.
J'enseigne quelques heures par semaine et puis, j'ai appris à dire "non" aux délais déraisonnables et à proposer les miens.
L'un des avantages de notre métier est de pouvoir aménager ses horaires, personnellement, j'aime bien travailler le soir, voire la nuit, plus propice à la concentration, ce qui me
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... n'est pas forcément synonyme d'isolement social. A l'exception de quelques périodes vraiment surchargées où il m'arrive de très peu sortir, je ne me sens pas isolée.
J'enseigne quelques heures par semaine et puis, j'ai appris à dire "non" aux délais déraisonnables et à proposer les miens.
L'un des avantages de notre métier est de pouvoir aménager ses horaires, personnellement, j'aime bien travailler le soir, voire la nuit, plus propice à la concentration, ce qui me laisse le temps de m'aérer le corps et l'esprit la journée.
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Paul VALET (X)
Paul VALET (X)  Identity Verified
France
Local time: 14:19
Mine de rien. Oct 22, 2010

Mine de rien, les choses ont un brin changé.

À mes origines, j’utilisais une palette en bois dans laquelle j’avais creusé deux cupules: l’une, dans laquelle je mettais le piment ocre rouge (c’est d’ailleurs moi qui en ai tiré le mot pigment©), alors que je réservais l’autre au charbon de bois. Je me servais également d’un petit godet à eau et d'un étui à pinceaux dans lequel je gardais quelques calames (bâtonnets de jonc servant à écrire).

So
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Mine de rien, les choses ont un brin changé.

À mes origines, j’utilisais une palette en bois dans laquelle j’avais creusé deux cupules: l’une, dans laquelle je mettais le piment ocre rouge (c’est d’ailleurs moi qui en ai tiré le mot pigment©), alors que je réservais l’autre au charbon de bois. Je me servais également d’un petit godet à eau et d'un étui à pinceaux dans lequel je gardais quelques calames (bâtonnets de jonc servant à écrire).

Sous ma tente, j’étais entouré de quelques pierres de Rosette qui me servaient de dictionnaires, ainsi que de climatiseur à la belle saison. Mon Dieu ! En ai-je fait des siestes somptueuses, le visage blotti sur mes stèles de granodiorite que j’entourais aussi de mes bras pour en tirer toute la fraîcheur possible. J’étais une vraie mangouste de pierres de Rosette ! Elles m’étaient livrées par bateaux spéciaux puis acheminées à terre par des luges de bois tractées sur des rondins par des bœufs ou des dromadaires. Je les payais en shats d’or, une monnaie scripturale. Mes clients méridionaux, eux, me payaient en cauris ou en bijoux de chez eux, échangeables dans toute l'Afrique.

Le support le plus apprécié de mes clients était alors le papyrus. On pouvait l'enrouler sans qu’il ne cassât, et le laver sans qu’il ne s’abîmât. Grâce à lui, je pouvais dessiner le hiéroglyphe sans peine, même sans la méthode Assimophil. Mais il coûtait très cher.

Je sortais un premier jet sur des ostraka, des tessons de poterie que j’achetais, pas cher, à Giacomephis, un potier de mon voisinage. Jamais satisfait de son travail, il cassait beaucoup pour cette simple raison. C'était intéressant pour faire des copies à des prix intéressants sur des tessons d'artiste. Les pélerins en raffolaient. Après ma révision, je reproduisais mes esquisses de hiéroglyphes sur papyrus. J’avais appris cette technique à l'EDUBBA, un établissement spécialisé très connu, financé par Ur-Nammu. Initialement, j’avais été destiné à des tâches administratives. C’est pourquoi j’appris d’abord la comptabilité, les mathématiques et la rédaction de textes juridiques.

J’aurais pu faire une belle carrière dans la haute administration, si mes parents n’étaient pas morts de désespoir en me voyant passer tous mes loisirs à parier mes maigres indemnités d'apprenti sur les terrains de courses de lévriers et de chameaux, au lieu de les leur remettre intégralement comme c'était alors la coutume. Je dus me refaire une virginité morale pour ne plus être la honte du restant de la famille et subvenir entièrement à mes besoins. J’entrai pour cela au service du grand prêtre d’un petit temple, pour pas bézef de plomb mais suffisamment tout de même pour terminer mes études dans une école de second choix.

Quelques étudiants en théologie, venus de loin, m’apprirent les langues de leurs pays. C’est ainsi que je devins également traducteur, d’abord sous le manteau. Je leur traduisais des courriers amoureux et autres textes peu orthodoxes et ils me payaient en pizzas. J’acquis ainsi une petite notoriété et un léger surpoids. Puis, alors qu'une fille du grand prêtre m'avait séduit tout en faisant croire le contraire à sa famille, je dus m'enfuir, une nuit. Errant de ville en ville, je flairais un marché prometteur sur la rive droite du Nil. Là, mes affaires prospèrèrent et je ne tardais pas à m'installer sur la rive gauche. Puis, j’eus des correspondants tout autour de la Méditerranée. On échangeait par bateau. Certains essayèrent par cigogne. Le bateau était plus régulier.

J’ai traduit d’abord du cunéiforme au hiéroglyphe, puis du hiéroglyphe au grec. D'abord spécialisé dans la philosophie et la théologie, je suis ensuite revenu à mes premières amours intellectuelles : la finance internationale, le turf, le droit d'auteur et, ne le répétez à personne, sutout pas aux agences nord-américaines, l'oenologie. Parallèlement, mes couples de langues ont évolué : grec-latin, latin de cuisine – français et enfin anglais-français depuis environ 150 ans.

Ma leçon de l’histoire, si vous voulez tout savoir, c’est qu’on s’enrhumait moins avec les pierres de Rosette hier qu’avec les climatiseurs aujourd'hui.

Traîtres de profession, mes frères, j’espère avoir, par ce témoignage authentique, contribué à éclairer les nouveaux venus dans notre monde.

© Valètophis II (Paul Valet, pour faire moderne)

[Modifié le 2010-10-23 19:03 GMT]
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Aline Canino
Aline Canino  Identity Verified
France
Local time: 14:19
Chinese to French
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TOPIC STARTER
La traduction à la source Oct 23, 2010

Merci Paul, pour ce témoignage... inclassable!
Il a illuminé mon samedi.


 
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